Savoir parler de ma douleur au médecin est la première et la plus exigeante des étapes pour quiconque vit avec la douleur chronique. En tant qu’infirmière, diplômée en ETP, et patiente experte du SDRC, mon rôle est de transformer une expérience subjective et souvent chaotique en une information clinique claire et exploitable. Pour les personnes souffrant de conditions complexes comme la fibromyalgie ou le syndrome douloureux régional complexe (SDRC), la consultation devient souvent un combat contre le temps, le scepticisme et la difficulté à trouver le moyen d’exprimer sa douleur clairement. C’est pourquoi j’utilise un script méthodiquement préparé, appuyé par mes outils d’objectivation. Ce guide, ancré dans mes principes d’Éducation Thérapeutique du Patient (ETP), vous donne ma méthode pour que votre voix soit enfin entendue et que votre prise en charge soit complète et adaptée. Apprendre à exprimer sa douleur est un acte de soin.
1. Pourquoi il est si difficile de parler de ma douleur au médecin : L’obstacle de l’invisibilité
La douleur chronique est invisible, variable et souvent incomprise. Les patient·e·s atteints de fibromyalgie ou de syndrome douloureux régional complexe (SDRC) se heurtent souvent à un mur de scepticisme. Mon expérience m’a montré que le problème, ce n’est pas notre douleur, mais le manque de langage commun structuré entre patient et médecin pour exprimer sa douleur avec précision.
1.1. Les pièges de la communication que j’ai appris à éviter
- Le temps est compté : Les consultations sont courtes (15 à 20 minutes). Pour éviter de déborder, j’arrive avec une synthèse écrite qui condense des années de souffrance en données exploitables.
- La charge émotionnelle : La peur de ne pas être crue ou la fatigue me rendaient confuse. J’ai appris à canaliser mon émotion pour que mon discours reste factuel. L’objectif n’est pas de me plaindre, mais d’informer de manière structurée.
- Le vocabulaire : J’ai cessé d’utiliser des mots du quotidien. Je suis passée aux termes cliniques (brûlure, décharge, pression) que le médecin attend pour poser son diagnostic et comprendre comment j’essaie d’exprimer sa douleur.
2. Mon « Script 5W & 3F » : Ma méthode pour exprimer sa douleur efficacement
Le succès d’une consultation commence par une préparation méthodique. Adoptez la posture que je prends : celle d’une experte fournissant des données. C’est le meilleur moyen d’exprimer sa douleur et d’être entendue.
2.1. Étape 1 : Le Cadre Clinique (Les 5 W)
Voici les 5 questions fondamentales que je réponds avant de parler de ma douleur au médecin :
- Où (Localisation) ? Je suis chirurgicalement précise. Je ne dis pas « mal à la jambe », je dis « douleur profonde et constante au niveau du tendon d’Achille de la jambe droite, s’étendant au mollet. Ma SDRC se localise ici. »
- Quand (Temporalité et Fréquence) ? Je décris le rythme : constante, intermittente, paroxystique. Je donne le moment où elle est maximale : « Elle est constante, mais elle s’aggrave par vagues entre 17h et 20h. »
- Comment (Qualité et Nature) ? J’utilise le vocabulaire qui fait la différence. J’oriente le médecin avec mes mots :
- Neuropathique : Pique, engourdissement, brûlure, décharge électrique.
- Nociceptive/Inflammatoire : Pression, pulsatile, lancinante.
- Nociplastique/Centrale : Étau, douleur diffuse, hypersensibilité (typiques de la fibromyalgie).
- Combien (Intensité) ? J’utilise l’Échelle Numérique de la Douleur (END, de 0 à 10). Je donne ma moyenne et mon pic : « Ma douleur moyenne quotidienne est à 5/10, mais elle monte à 8/10 lors des crises. »
- Quoi (Facteurs de Modulation) ? J’ai noté tout ce qui influence ma douleur : soulagement (chaleur, hypnose) ou aggravation (froid, stress).
2.2. Étape 2 : L’Impact Fonctionnel et ma Qualité de Vie (Les 3 F de l’ETP)
La douleur n’est crédible pour le médecin que lorsqu’elle a un impact fonctionnel. C’est ce que j’enseigne en ETP. Ce contexte aide à mieux exprimer sa douleur dans sa globalité.
- Fonction (F1) : Je quantifie ma perte d’autonomie. Exemple : « J’étais capable de marcher 5 km, aujourd’hui, je suis limitée à 500 mètres avant que la douleur atteigne 6/10. »
- Fatigue (F2) : Je détaille mon sommeil : « Je me réveille au moins deux fois par nuit par la douleur et le sommeil n’est jamais réparateur. »
- Fluidité Sociale (F3) : J’explique l’impact sur ma vie sociale et professionnelle : « J’ai dû refuser trois sorties entre amis, et ma concentration au travail est très affectée. »
3. L’objectivation par les outils : Mon rôle d’expert (Infirmière ETP et SDRC)
Pour renforcer la crédibilité de mon script et pour exprimer sa douleur de manière irréfutable, je dois apporter des preuves concrètes. Mon expertise est la clé.
3.1. Le carnet de douleur détaillé : Mon outil d’expert
Un simple carnet tenu sur deux à quatre semaines est plus éloquent que des heures de discussion. Il doit inclure des colonnes claires (Date, Intensité, Type de douleur, Facteur déclencheur, etc.).
Mon Conseil d’Experte : Ayant créé une formation en ligne sur le cahier de douleur, je sais que l’efficacité de cet outil réside dans la régularité et la précision. J’explique au médecin que le modèle que j’utilise (avec des colonnes supplémentaires pour le niveau de stress ou de sommeil) est conçu pour objectiver l’impact global, allant au-delà des simples chiffres. Ce cahier permet de démontrer la variabilité de ma douleur chronique.
3.2. Le Schéma corporel et les questionnaires validés que j’utilise
- Le Schéma corporel : Je le colorie avec des couleurs et des symboles différents selon les types de douleurs.
- Les questionnaires : Je remplis des outils standardisés comme le DN4 (pour la composante neuropathique, brûlure) ou le questionnaire de McGill (pour les qualificatifs de la douleur). J’utilise également le HADS pour évaluer l’impact émotionnel sans que cela soit confondu avec la cause de ma douleur.
4. Ma stratégie de la consultation : Astuces pour être mieux entendue
Je ne vais pas juste attendre une réponse. Je commande un plan d’action. C’est la suite logique après avoir réussi à exprimer sa douleur correctement.
4.1. Astuce 1 : Les 3 objectifs de sortie de consultation que j’exige
Je ne quitte pas le cabinet sans avoir de réponses claires à ces trois points :
- L’Hypothèse Diagnostic : Je demande au médecin de verbaliser son hypothèse. « Selon vous, est-ce plus une douleur inflammatoire ou une douleur centrale ? ».
- La Prescription d’Investigation : J’obtiens la prescription d’un examen qui fera avancer les choses : « Quel examen pourrait aider à comprendre ma douleur ? »
- L’Orientation Pluridisciplinaire : Je demande une lettre d’orientation vers un Centre d’Évaluation et de Traitement de la Douleur (CETD) : « Existe-t-il un suivi en centre de la douleur ? »
La Technique du « Closing the Loop » que j’utilise : À la fin, je résume l’échange : “Si je comprends bien, Docteur, mon plan d’action est le suivant : je réalise l’IRM et je prends rendez-vous au CETD. Nous nous revoyons dans 6 semaines pour faire le point.”
4.2. Astuce 2 : Le droit de changer de professionnel
Et si je n’obtiens pas de réponse satisfaisante, je change de professionnel : j’ai le droit d’être comprise et d’être crue. L’alliance thérapeutique est non négociable dans la douleur chronique.
5. Maîtriser l’Éducation Thérapeutique du Patient (ETP) : Obtenir une prise en charge pluridisciplinaire
En tant que diplômée d’un DU d’ETP, je sais que la seule façon de traiter la douleur chronique (en particulier le SDRC ou la fibromyalgie) est via une approche globale. Je dois donc orienter mon médecin vers cette solution.
5.1. Exiger l’orientation vers un Centre de la Douleur (CETD)
Quand on souffre de douleur chronique, mon objectif n’est plus la guérison, mais la gestion. Je dois insister sur l’orientation vers une structure spécialisée.
- Ce que j’explique au médecin : « Docteur, mon SDRC ou ma fibromyalgie n’est pas une douleur simple. J’ai besoin d’une équipe qui évalue non seulement ma brûlure, mais aussi mon sommeil (F2), ma fatigue et mon moral (F3). Le Centre de la Douleur permet cette évaluation globale. »
- Les bénéfices de l’orientation : J’obtiens accès à des thérapies qui ne sont pas disponibles en ville : des TENS (Neurostimulation Transcutanée), des blocs nerveux, des perfusions spécifiques, et surtout l’accès à l’ETP.
5.2. L’ETP et les traitements non-médicamenteux que je dois demander
L’ETP n’est pas une option, c’est une compétence à acquérir. Je commande les options suivantes :
- Thérapie Cognitivo-Comportementale (TCC) : Je demande une TCC axée sur la douleur pour modifier ma perception des symptômes et des émotions.
- Activité Physique Adaptée (APA) : C’est essentiel pour le SDRC. Je demande une prescription pour de l’APA, car je sais que le mouvement contrôlé est vital pour mon articulation, même s’il est douloureux.
- Thérapies Corps-Esprit : J’évoque l’hypnose, la cohérence cardiaque ou la pleine conscience pour mieux gérer les pics de douleur et le stress qui les aggrave (facteur de modulation).
6. Préparer une consultation en fonction de ma pathologie : SDRC et Fibromyalgie
Mon expérience de patiente SDRC et mon expertise en ETP m’ont appris que la préparation doit être spécifique à la maladie pour éviter l’incompréhension.
6.1. Spécificité SDRC (Syndrome Douloureux Régional Complexe)
La communication du SDRC est difficile car elle inclut des symptômes neuro-végétatifs. Lorsque je me prépare à parler de ma douleur au médecin pour mon SDRC, j’ajoute à mon script :
- La composante ALLODYNIE : Je décris comment le simple contact d’un vêtement ou d’un drap provoque une brûlure insupportable. Je donne un exemple concret pour illustrer cette hypersensibilité.
- Les signes TROPHIQUES : Je note les changements de couleur (rouge, bleu), de température (chaud, froid), et la présence d’œdème ou de modifications des poils/ongles dans la zone atteinte.
- La Fonctionnalité : J’insiste sur la raideur et la perte de mobilité de l’articulation concernée, et les difficultés à faire une rééducation simple.
6.2. Spécificité Fibromyalgie
Pour la fibromyalgie, je mets l’accent sur les symptômes systémiques et la douleur nociplastique :
- Les Points Sensibles (Tender Points) : J’informe que ma douleur est diffuse, mais je peux mentionner les zones les plus sensibles, bien que le diagnostic ne repose plus uniquement sur cela.
- Symptômes Associés : Je détaille mes troubles du sommeil (F2), les troubles cognitifs (« fibro-fog » ou brouillard cérébral), les maux de tête et le syndrome de l’intestin irritable. Ces symptômes sont essentiels car ils crédibilisent le caractère central de ma douleur chronique.
- L’Intensité Diffuse : Je précise que la douleur est souvent décrite comme un « étau » ou une « lourdeur » englobant plusieurs parties du corps.
7. Gérer la consultation avec un accompagnant : L’importance d’un allié
Lorsque ma douleur est trop intense ou que je suis trop fatiguée, j’amène un proche. C’est une stratégie d’ETP pour garantir que toutes les informations sont transmises.
7.1. Le rôle de mon accompagnant dans la communication
Mon accompagnant n’est là pour parler à ma place, mais pour :
- Garantir l’exhaustivité : Il s’assure que je n’oublie aucun point de mon script 5W & 3F.
- Être témoin : Il peut confirmer l’impact des 3 F sur ma vie quotidienne (fatigue, fonction, fluidité sociale) : « Oui, je confirme qu’elle ne dort que 4 heures et que la brûlure l’empêche de faire les courses. »
- Prendre des notes : Il note le plan d’action (examens, orientation vers le Centre de la Douleur, nouveaux traitements) pour que je puisse me concentrer sur l’échange avec le médecin.
8. POUR ALLER PLUS LOIN : Ma Vidéo Complémentaire et ma Formation sur le Cahier de Douleur
Pour vous aider à mettre en pratique ce script et ces outils d’objectivation, j’ai créé une ressource vidéo et une formation spécifique.
8.1. La vidéo YouTube : Mettre en pratique le script pour parler de sa douleur
Ce guide écrit détaille la méthodologie, mais rien ne remplace le visuel. Dans ma dernière vidéo YouTube sur « Comment parler au médecin de ma douleur », je vous montre concrètement comment :
- Mettre en scène le script 5W & 3F face à un professionnel (jeu de rôle).
- Utiliser le schéma corporel pour localiser une douleur de type brûlure ou une allodynie (SDRC).
- Transmettre efficacement les informations en respectant le temps de la consultation.
Cette vidéo est le complément idéal pour transformer la théorie en pratique.
8.2. La Formation en ligne : Le Cahier de Douleur
Comme je l’ai mentionné, j’ai créé une formation en ligne dédiée au cahier de douleur. Si vous voulez maîtriser l’art de l’objectivation et rendre votre discours irréfutable en consultation, cette formation est l’outil le plus puissant que j’ai développé grâce à mon DU d’ETP et mon expérience de patiente ressource SDRC.
9. Foire Aux Questions (FAQ) sur ma communication avec le médecin
Afin de renforcer l’exhaustivité de l’article et d’améliorer le SEO, voici une section de questions-réponses ciblant mes préoccupations et celles des autres patient·e·s.
9.1. Mes réponses aux questions pratiques les plus fréquentes
Q : Que faire si le médecin me dit que « c’est dans ma tête » ? R : Je réponds calmement en utilisant mes outils : « Je comprends que la douleur a une composante émotionnelle. C’est pourquoi j’ai rempli le questionnaire HADS, et j’aimerais que nous adressions l’origine physique de ma brûlure tout en gérant l’anxiété que cette douleur génère. » Si le déni persiste, je change de professionnel.
Q : Dois-je parler de mes recherches sur Internet (Dr Google) ? R : Je transforme ma recherche en question ouverte. Je ne dis pas : « Je pense que j’ai un SDRC. » Je dis : « Mes symptômes (brûlure, allodynie, œdème) correspondent à la description que j’ai pu lire du syndrome douloureux régional complexe (SDRC). Est-ce une piste que nous pouvons investiguer ? »
Q : Comment aborder la question du Centre de la Douleur ? R : J’utilise la phrase : « Étant donné la complexité de ma douleur chronique et l’échec des traitements, je souhaite bénéficier d’une évaluation pluridisciplinaire en Centre de la Douleur. J’ai besoin de votre lettre d’orientation. »
Q : Combien de temps dois-je donner à un médecin ? R : Si après deux à trois consultations, le médecin n’a toujours pas proposé d’examens, d’orientation (Centre de la Douleur ou ETP) ou d’hypothèse de travail, je vais chercher un deuxième avis. La confiance mutuelle est non négociable.
Conclusion
Parler de ma douleur au médecin, ce n’est pas me plaindre : c’est me soigner activement. Avec mon script simple, un vocabulaire précis et ma préparation d’experte, je facilite le dialogue et augmente mes chances d’obtenir le bon traitement. En imposant un agenda d’action (investigations, orientation vers un Centre de la Douleur), je reprends le contrôle de mon récit médical. [N’oubliez pas de consulter ma vidéo YouTube pour voir le script en action ! (LIEN YOUTUBE)] Maîtrisez votre communication : c’est la clé de votre prise en charge de la douleur chronique et la façon la plus efficace d’exprimer sa douleur.
RÉFÉRENCES (Pistes pour la publication) Pour crédibiliser mon expertise, je m’appuie sur des sources vérifiables comme :
Ma propre formation en ligne sur le cahier de douleur
Société Française d’Étude et de Traitement de la Douleur (SFETD).
Haute Autorité de Santé (HAS) : Pour les recommandations sur l’ETP et les Centres de la Douleur.







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