Les micro-agressions médicales sont trop souvent le quotidien des femmes souffrant de douleurs chroniques. « C’est dans votre tête », « Vous êtes trop stressée », « Revenez si ça ne passe pas »… Ces phrases, apparemment anodines, laissent des traces profondes. Elles traduisent un biais de genre dans la manière dont les douleurs féminines sont perçues, interprétées, et parfois complètement ignorées.
Dans cet article, je vous propose de comprendre ce que sont ces micro-agressions, d’en explorer les impacts et, surtout, de découvrir des pistes concrètes pour vous faire entendre face à des soignants qui minimisent votre vécu.
1. Qu’est-ce qu’une micro-agression médicale ?
Une micro-agression médicale est une remarque, un geste ou une attitude subtile qui renvoie un message de dévalorisation, de méfiance ou de déni au patient. Elle n’est pas toujours volontaire. Mais même involontaire, elle bouscule, blesse et fragilise.
Dans le cadre des douleurs chroniques féminines, ces micro-agressions sont fréquentes et souvent banalisées. Quelques exemples concrets :
- « C’est sûrement le stress. »
- « Vous êtes trop sensible. »
- « Ce n’est pas si grave. »
- « Vous vous focalisez trop sur votre corps. »
- « Si les examens sont normaux, c’est que tout va bien. »
Ces phrases peuvent sembler neutres ou rassurantes. Mais en réalité, elles traduisent une remise en cause du vécu corporel, une minimisation de la douleur, et parfois même une culpabilisation insidieuse de la patiente.
Le message implicite ?
👉 « Si vous avez mal, c’est que vous exagérez, ou que c’est dans votre tête. »
C’est cela, une micro-agression médicale. Ce n’est pas un refus de soin ouvert, ni une insulte frontale, mais une série de petits coups invisibles qui finissent par éroder la confiance, l’estime de soi, et le droit d’être prise au sérieux.
Une souffrance souvent invisible, donc minimisée
Le plus souvent, les femmes douloureuses chroniques vivent avec des pathologies mal comprises : endométriose, fibromyalgie, névralgies, migraine chronique, syndrome douloureux régional complexe (SDRC), douleurs pelviennes, etc. Ces maladies sont parfois peu visibles à l’examen clinique, et leurs mécanismes encore mal connus de certains soignants.
Résultat : en l’absence de preuve biologique ou d’imagerie anormale, la douleur est mise en doute. Et la patiente, elle, est renvoyée à une explication psychologique ou émotionnelle.
Cela crée un climat de suspicion permanente :
- On doute de ce que vous ressentez.
- On sous-entend que vous vous trompez.
- Parfois même, on vous accuse à demi-mot d’en faire trop.
Une violence insidieuse mais réelle
Ces micro-agressions ne sont pas de « simples maladresses ». Elles constituent une forme de violence symbolique : une violence socialement admise, non reconnue, mais pourtant destructrice.
À force de les subir, les femmes douloureuses :
- Intériorisent le doute des autres
- Se demandent si leur douleur est « réelle »
- Ont peur d’« en faire trop »
- Hésitent à consulter ou à redemander de l’aide
C’est un cercle vicieux : plus la douleur est chronique, plus elle est invisible ; plus elle est invisible, moins elle est crue ; et moins elle est crue, plus elle s’installe.
2. Les biais de genre en médecine : une douleur sous-estimée

Les biais de genre en médecine désignent les idées reçues, souvent inconscientes, qui influencent la façon dont les soignants évaluent, écoutent et traitent les patientes. Ces biais peuvent conduire à des diagnostics plus tardifs, à une prise en charge moins active, voire à des micro-agressions médicales répétées.
Une médecine historiquement centrée sur les hommes
Pendant des siècles, la médecine occidentale s’est construite sur un modèle : le corps masculin adulte. Les femmes ont longtemps été exclues des études cliniques. Et même aujourd’hui, leurs spécificités physiologiques, hormonales, psychiques ou sociales sont insuffisamment prises en compte.
Résultat : ce qui est vécu par les femmes est souvent comparé à la norme masculine, et jugé excessif, flou ou suspect s’il ne s’y conforme pas.
Par exemple :
- Une douleur aiguë chez un homme est souvent perçue comme un signal d’alerte biologique.
- La même douleur chez une femme peut être interprétée comme liée au stress, aux émotions ou à une supposée instabilité hormonale.
Douleurs féminines = douleurs moins crédibles ?
Plusieurs études ont montré que les femmes reçoivent :
- Moins d’analgésiques puissants aux urgences
- Plus de prescriptions anxiolytiques ou antidépresseurs
- Des réponses plus vagues face à leurs plaintes : « on ne sait pas », « il faut patienter »…
Cette tendance repose sur un stéréotype profondément ancré :
👉 les femmes exagèrent, sont trop émotives, parlent trop de leurs symptômes.
Ce préjugé se glisse partout :
- Dans les dossiers médicaux : avec des termes comme « plaintes nombreuses », « somatisation », « personnalité anxieuse ».
- Dans les consultations : où l’écoute est écourtée, orientée, voire dirigée vers une solution psychologique sans exploration somatique suffisante.
Les femmes racisées ou précaires, encore plus vulnérables
Les biais de genre se combinent souvent avec d’autres discriminations : racisme, classisme, grossophobie, validisme.
Une femme noire, migrante ou en situation de précarité sera encore moins crue. Ses douleurs seront davantage banalisées, voire interprétées comme une tentative de manipulation, une exagération culturelle, ou une demande abusive.
Ces biais systémiques expliquent en grande partie pourquoi les micro-agressions médicales sont si fréquentes chez les femmes douloureuses chroniques. Ce n’est pas « dans votre tête ». C’est dans les représentations sociales et médicales que le problème est enraciné.
3. Témoignages : quand on ne croit pas la douleur
Derrière les données, il y a des histoires. Et ces histoires sont nombreuses, récurrentes, marquées par une même blessure : ne pas être crue. Chaque femme qui vit avec des douleurs chroniques peut raconter au moins une consultation où elle a été rabaissée, ignorée ou réduite à un état psychologique.
Voici quelques extraits de témoignages que l’on entend trop souvent :
« J’ai mis sept ans à être diagnostiquée pour mon endométriose. On m’a dit que j’étais douillette, que j’avais sûrement peur d’avoir un enfant. »
« J’ai fini aux urgences pour une douleur thoracique. On m’a laissé attendre trois heures, puis le médecin a dit : C’est sûrement une crise d’angoisse. En fait, c’était une péricardite. »
« J’ai un SDRC. Pendant des mois, les médecins me disaient que j’étais trop tendue, que je devrais faire du yoga. Aucun n’a reconnu ma douleur avant qu’un spécialiste ne pose enfin le diagnostic. »
« Une rhumatologue m’a dit : Vous êtes trop intelligente pour avoir mal comme ça. Comme si ma douleur n’était pas compatible avec mon apparence ou mon éducation. »
Ces expériences laissent des traces profondes. Non seulement la douleur physique continue, mais s’y ajoute une douleur émotionnelle :
- Doute de soi
- Honte de déranger
- Culpabilité de « trop se plaindre »
- Peur de consulter à nouveau
Certaines femmes abandonnent les parcours de soin, faute d’avoir été entendues. D’autres ne disent plus rien, adaptent leur discours, se brident, de peur d’être à nouveau rabaissées.
Le poids du silence et de l’isolement
Ce qui rend les micro-agressions médicales encore plus douloureuses, c’est qu’elles sont souvent invisibles de l’extérieur. On ne vous a pas insultée, on vous a « simplement » dit que ce n’était pas si grave. Vous ressortez de la consultation en vous disant :
👉 « Peut-être que j’exagère. Peut-être que c’est moi le problème. »
Mais vous n’êtes pas seule. Ce que vous ressentez, des milliers de femmes le vivent. Et il est essentiel de le nommer, le reconnaître, le dire.
Car c’est aussi par la parole — par les témoignages partagés, les récits entendus — que l’on peut reprendre du pouvoir.
4. Comment réagir face à une micro-médicale ?
Face à une micro-agression médicale, beaucoup de femmes peuvent se sentir sidérées, déstabilisées ou perdues. C’est normal : ces remarques blessantes viennent souvent de professionnels censés écouter et soigner. Pourtant, il est possible d’agir pour se protéger, se faire entendre, et retrouver sa place dans la relation de soin.
1. Nommer ce que vous ressentez
La première étape consiste à prendre conscience de ce que vous avez vécu. Si vous ressentez un malaise, un doute sur vous-même ou un sentiment d’injustice après une consultation, il est probable que vous ayez été exposée à une micro-agression médicale.
Je vous invite à noter précisément ce qui s’est passé, les mots utilisés, et vos émotions. Cela vous aidera à valider votre expérience, qui est légitime et réelle, et non « dans votre tête ».
2. Se préparer en amont
Quand on vit avec une douleur chronique, il est important de préparer ses rendez-vous médicaux pour se sentir plus confiante et claire face au médecin. Pour cela, je propose des ateliers pratiques dédiés à la préparation des consultations médicales.
Ces ateliers permettent d’apprendre à :
- Dresser une liste précise de vos symptômes, leur fréquence et intensité
- Noter les traitements ou approches déjà essayés
- Clarifier ce que vous attendez du rendez-vous (écoute, diagnostic, orientation)
- Organiser la consultation pour limiter les malentendus et mieux vous faire entendre
Cette préparation vous donne des outils concrets pour structurer la consultation et réduire les biais liés aux micro-agressions.
3. Poser des limites claires
Même si ce n’est pas toujours facile, vous pouvez répondre calmement mais fermement à une remarque blessante ou invalidante. Par exemple :
- « Je me sens blessée quand on me dit cela. »
- « Ce que je ressens est réel, même si les examens sont normaux. »
- « J’aimerais que l’on prenne le temps d’explorer ensemble d’autres pistes. »
Ce n’est pas de l’agressivité, c’est une manière d’affirmer votre légitimité et de demander du respect.
4. Changer de médecin si nécessaire
Si malgré vos efforts, la relation avec votre médecin reste difficile, méprisante ou peu constructive, il est important de ne pas rester dans cette situation. Vous pouvez changer de professionnel de santé pour trouver quelqu’un qui vous écoute, vous prend au sérieux, et travaille avec vous dans le respect.
Cherchez un médecin qui :
- Prend le temps d’écouter sans minimiser vos douleurs
- Collabore avec vous plutôt que de vous renvoyer à votre psychologie
- Est prêt à envisager différentes approches selon vos besoins
5. Se faire accompagner
Les micro-agressions médicales répétées laissent des traces, non seulement dans le corps mais aussi dans la confiance en soi et la capacité à s’exprimer.
Je m’appelle Corine Cliquet, je suis coach, praticienne en hypnose, ancienne infirmière et diplômée en Éducation Thérapeutique du Patient. J’accompagne les femmes douloureuses chroniques en proposant :
- Des groupes de parole bienveillants pour partager et se soutenir,
- Des ateliers pratiques, notamment pour préparer ses consultations médicales,
- Des outils concrets pour vous aider à reprendre votre voix et votre place dans le système médical.
Se faire accompagner n’est pas renoncer à son autonomie. C’est se donner les moyens de mieux vivre la douleur et de construire un parcours de soin plus respectueux et efficace.
Vous avez le droit d’être crue, d’être écoutée, d’être respectée.
Face aux micro-agressions médicales, vous n’êtes pas impuissante. Vous pouvez vous outiller, vous entourer et tracer un chemin de soin plus juste.
5. Pourquoi c’est important d’en parler ?
Trop de femmes sortent d’une consultation en se disant : « Ce n’est pas si grave. Je ne vais pas faire d’histoire. » Pourtant, parler des micro-agressions médicales, c’est bien plus qu’un simple témoignage : c’est un acte politique, thérapeutique et solidaire.
1. Mettre des mots pour reprendre du pouvoir
Quand on nomme ce qui nous a blessées, on sort du flou et de la culpabilité. Dire « Ce que j’ai vécu est une micro-agression médicale », c’est reprendre la main sur son vécu.
C’est refuser qu’un professionnel puisse, au nom de son statut, nier votre réalité corporelle ou imposer un regard réducteur.
Parler, c’est aussi sortir de l’isolement. Beaucoup de femmes croient être les seules à vivre cela. Elles se disent qu’elles sont trop sensibles, qu’elles devraient faire avec.
Mais quand ces récits sont partagés, une forme de guérison collective peut commencer.
2. Rompre le silence pour changer les pratiques
Le système de santé évolue lentement. Mais il ne peut pas évoluer si les personnes concernées se taisent.
C’est en visibilisant ces expériences — dans des témoignages, des articles, des groupes de soutien, des ateliers — que l’on pousse certains soignants à remettre en question leurs réflexes, à interroger leurs biais, à écouter autrement.
Certaines associations de patientes, certaines soignantes engagées, militent aujourd’hui pour une médecine plus inclusive, plus égalitaire, plus consciente des rapports de pouvoir.
Chaque récit compte. Chaque expérience partagée est une brique dans ce changement.
3. Créer des espaces sûrs entre femmes concernées
Beaucoup de femmes douloureuses chroniques cherchent à être comprises, sans avoir à se justifier ou s’expliquer sans cesse. Les espaces de parole entre femmes concernées — cercles, groupes, accompagnements spécialisés — permettent de respirer, d’être crue sans condition, d’explorer des pistes sans peur du jugement.
Ces espaces peuvent être :
- Des groupes de parole en présentiel ou en ligne
- Des ateliers thématiques autour de la douleur, de la légitimité, de la voix
- Des journaux thérapeutiques pour déposer ce qui ne peut plus être contenu
Ils offrent un cadre de réparation, où l’on peut à la fois dire sa douleur, partager ses ressources, et sentir une appartenance.
4. Redonner une voix au corps
Quand on a été niée, humiliée, ou réduite à une étiquette, on apprend parfois à se couper de son corps, à ne plus lui faire confiance. Parler des micro-agressions subies, c’est aussi une façon de reconstruire le lien avec son corps.
C’est lui dire : « J’ai entendu ta douleur. Je te crois. Et je vais prendre soin de toi, même si d’autres ne l’ont pas fait. »
Cela peut passer par :
- Des pratiques d’écriture ou de dessin
- Des méthodes de reconnexion corporelle (respiration, auto-hypnose, relaxation)
- Des exercices d’ancrage émotionnel, pour retrouver une forme de sécurité intérieure
Parler, c’est ouvrir un chemin de réparation, pas seulement contre les injustices subies, mais envers soi-même.
Briser le silence, c’est guérir une part de ce qui a été abîmé.
C’est affirmer que la douleur des femmes est réelle, digne d’être écoutée, explorée, soulagée.
Et c’est aussi, collectivement, ouvrir la voie à une médecine plus humaine, plus humble, plus juste.
6. Ressources et références pour approfondir
Pour mieux comprendre les micro-agressions médicales, leurs effets et les biais de genre dans la prise en charge de la douleur, voici des références solides et des ressources accessibles en ligne :
Articles et études scientifiques
- Biais de genre dans la douleur
Mogil JS. « The Gender Pain Gap: Understanding the Differences in Pain Perception and Treatment Between Women and Men. » Journal of Pain Research, 2020.
Disponible ici : https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC7168929/ - Micro-agressions dans le milieu médical
Sue DW et al. « Microaggressions in Health Care: Impact on Patients and Providers. » American Journal of Orthopsychiatry, 2019.
Disponible ici : https://psycnet.apa.org/doi/10.1037/ort0000410 - Douleur chronique et genre : les défis du diagnostic
Fillingim RB et al. « Sex, Gender, and Pain: A Review of Recent Clinical and Experimental Findings. » Journal of Pain, 2009.
Disponible ici : https://www.jpain.org/article/S1526-5900(08)00850-0/fulltext
Rapports et ressources grand public
- Institut National du Cancer (France) – « Les femmes et la santé : des inégalités à combattre. »
Ce rapport aborde notamment la reconnaissance des symptômes féminins en médecine.
Associations et groupes de soutien
- Association Française de Lutte contre la Douleur (AFLD)
Propose des ressources, informations et groupes d’entraide pour les patients douloureux chroniques.
Site officiel : https://www.afld.fr/ - Fibromyalgie France
Association dédiée à la fibromyalgie, maladie souvent sous-estimée et concernée par les micro-agressions médicales.
Site officiel : https://www.fibromyalgie.fr/
Ces ressources permettent de mieux comprendre la réalité des micro-agressions médicales, leurs mécanismes, et d’apprendre comment mieux se défendre et se faire entendre.
Conclusion
Les micro-agressions médicales sont une réalité trop souvent tue et méconnue, mais elles impactent profondément la vie des femmes souffrant de douleurs chroniques. Ces remarques, minimisations ou doutes posés par des professionnels de santé peuvent fragiliser la confiance, retarder les diagnostics et aggraver la souffrance.
Il est essentiel de reconnaître ces micro-agressions pour pouvoir s’en protéger et agir. Préparer ses consultations, poser des limites claires, ne pas hésiter à changer de médecin et surtout, se faire accompagner, sont des étapes cruciales pour retrouver sa voix et sa place dans le système médical.
En tant que coach et praticienne engagée auprès des femmes douloureuses chroniques, j’accompagne à travers des ateliers et groupes de parole pour vous donner des outils concrets afin de vivre un parcours de soin plus respectueux et efficace.
Vous méritez d’être écoutée, crue et respectée. N’attendez pas pour reprendre votre place : vous n’êtes pas seule, et des solutions existent pour faire entendre votre douleur.
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