La douleur neuropathique est un véritable casse-tête pour celles et ceux qui en souffrent. Elle survient souvent sans raison apparente, persiste malgré les traitements, et bouleverse le quotidien. Pire encore : elle est souvent mal comprise, aussi bien par l’entourage que par les professionnels de santé.
Mais ce n’est pas la seule forme de douleur difficile à vivre. Il existe aussi une autre catégorie, moins connue mais tout aussi invalidante : la douleur neuroplastique, aussi appelée douleur centrale. Ces deux types de douleurs partagent des mécanismes communs, notamment une hypersensibilité du système nerveux, mais elles nécessitent des prises en charge spécifiques.
Dans cet article, on fait le point sur :
- Ce qu’est la douleur neuropathique
- Ce qu’est la douleur neuroplastique
- Le cas du SDRC qui combine les deux
- Comment les reconnaître et les traiter efficacement
👉 Si tu vis avec des douleurs chroniques, cet article est pour toi.
1. Douleur neuropathique : une douleur due à une lésion nerveuse
Qu’est-ce que la douleur neuropathique ?
La douleur neuropathique est une douleur chronique causée par une lésion ou un dysfonctionnement du système nerveux, qu’il soit central (cerveau, moelle épinière) ou périphérique (nerfs dans le reste du corps). Elle ne résulte pas d’un traumatisme classique, comme une coupure ou une entorse, mais d’un signal erroné de douleur émis par les nerfs eux-mêmes.
Causes fréquentes de douleur neuropathique
Voici quelques exemples de situations pouvant déclencher une douleur neuropathique :
- Neuropathie diabétique : complication fréquente du diabète, avec fourmillements, brûlures, perte de sensibilité dans les pieds ou les mains.
- Névralgie post-zostérienne : douleur qui persiste après un zona. Le nerf touché peut devenir hypersensible pendant des mois, voire des années.
- Névralgie du trijumeau : douleur faciale brutale et fulgurante, souvent déclenchée par un simple effleurement, comme se brosser les dents ou parler.
- Lésion de la moelle épinière : provoque souvent des douleurs en dessous du niveau de la lésion, sans cause physique apparente.
- Accident vasculaire cérébral (AVC) : certaines personnes développent des douleurs chroniques à la suite d’un AVC, liées à des atteintes des circuits de la douleur dans le cerveau.
- Douleur du membre fantôme : après une amputation, la personne ressent encore des douleurs dans le membre disparu — c’est une forme typique de douleur neuropathique.
Symptômes typiques
Les signes de la douleur neuropathique sont variés mais ont des caractéristiques reconnaissables :
- Brûlures, décharges électriques, ou picotements (paresthésies)
- Douleur provoquée par un simple contact ou un frottement léger (allodynie)
- Sensation anormale de froid ou de chaud dans une zone corporelle
- Engourdissement ou perte de sensibilité
- Douleurs diffuses ou localisées, souvent mal définies
Ces douleurs sont intenses, parfois insupportables, et s’accompagnent souvent de troubles du sommeil, d’anxiété, voire d’épuisement moral.
Mécanismes physiopathologiques

Lorsqu’un nerf est endommagé, il peut envoyer des signaux de douleur inappropriés au cerveau, même en l’absence de danger. Cela provoque une hypersensibilité de la zone concernée, mais aussi du système nerveux central. C’est ce qu’on appelle la sensibilisation centrale.
Au fil du temps, ce mécanisme peut s’auto-entretenir : même une stimulation normale (comme porter un vêtement ou marcher) peut devenir douloureuse.
Traitements de la douleur neuropathique
La douleur neuropathique répond mal aux antalgiques classiques (paracétamol, ibuprofène). Il faut donc adapter la stratégie avec une approche combinée.
🧪 Médicaments spécifiques
- Antiépileptiques : la gabapentine et la prégabaline réduisent l’excitabilité des nerfs. Utilisées pour la neuropathie diabétique ou la douleur post-zostérienne.
- Antidépresseurs tricycliques (comme l’amitriptyline) ou inhibiteurs de la recapture de la sérotonine et noradrénaline (duloxétine) : agissent sur les voies de la douleur dans le cerveau.
- Patchs de capsaïcine (poivre) ou de lidocaïne : utiles pour des zones localisées.
- Injection de toxine botulique dans certains cas spécifiques (ex. : névralgie faciale).
🌿 Thérapies non médicamenteuses
- Hypnose : permet de moduler la perception de la douleur en agissant sur le cerveau. Elle est particulièrement efficace dans les douleurs rebelles ou post-traumatiques.
- TCC (thérapies cognitivo-comportementales) : utiles pour gérer l’anxiété, la peur du mouvement (kinésiophobie), et restaurer la confiance en soi.
- Relaxation, cohérence cardiaque, visualisation guidée : calment le système nerveux autonome, qui est souvent en état d’alerte.
- Neurostimulation transcutanée (TENS) : envoie de petites impulsions électriques pour perturber le message douloureux.
🔁 Approche multimodale
- Éducation thérapeutique : comprendre la douleur, c’est commencer à la désamorcer.
- Activité physique douce et régulière : la marche, la natation, le yoga, la méthode Feldenkrais… contribuent à désensibiliser le système nerveux.
- Accompagnement psycho-émotionnel : stress, surcharge mentale, épuisement nerveux peuvent amplifier la douleur.
- Coaching en gestion de la douleur : pour reprendre du pouvoir d’action et ne plus subir.
2. Douleur neuroplastique : quand le cerveau « apprend » la douleur
Définition
La douleur neuroplastique, aussi appelée douleur centrale, est causée par une dérégulation des circuits de la douleur dans le système nerveux central. Elle n’est pas liée à une lésion visible des tissus ou des nerfs, mais elle est tout aussi réelle. Le cerveau garde en mémoire des signaux de douleur passés, et continue de les activer même lorsque la menace physique a disparu.
Causes fréquentes de douleur neuroplastique
La douleur neuroplastique est fréquente dans des pathologies longtemps mal comprises, souvent invisibles aux examens classiques :
- Fibromyalgie : douleurs diffuses, fatigue, troubles du sommeil. Affecte majoritairement les femmes.
- Syndrome de fatigue chronique (EM/SFC) : épuisement persistant, douleurs musculaires et troubles cognitifs.
- Douleurs pelviennes chroniques : notamment dans l’endométriose, la cystite interstitielle, ou sans cause identifiée.
- Migraines chroniques : céphalées intenses et fréquentes, souvent accompagnées de nausées, hypersensibilité à la lumière et au son.
- Syndrome du côlon irritable (SCI) : douleurs abdominales, ballonnements, transit perturbé, sans lésion intestinale visible.
Ces troubles ont un point commun : une hypersensibilité centrale, où le cerveau exagère ou maintient les signaux douloureux.
Symptômes typiques de la douleur neuroplastique
- Douleurs diffuses, migrantes, souvent changeantes selon les jours
- Hypersensibilité sensorielle : au bruit, à la lumière, au toucher, aux odeurs
- Fatigue chronique, parfois accablante
- Troubles du sommeil (endormissement difficile, réveils fréquents)
- Brouillard mental : difficultés de concentration, pertes de mémoire à court terme
Ces symptômes sont souvent fluctuants, non compris par l’entourage, et peuvent entraîner une remise en question de soi, voire une errance médicale.
Mécanismes de la douleur neuroplastique
Le système nerveux possède une capacité appelée neuroplasticité : il peut se reprogrammer selon l’expérience vécue.
Mais dans le cas de douleurs chroniques, stress prolongé ou traumatismes, cette plasticité peut devenir maladaptive. Le cerveau apprend la douleur : il garde en mémoire les anciens signaux nociceptifs et finit par les activer même sans raison physique.
Ce mécanisme de sensibilisation centrale transforme un système d’alerte protecteur… en un générateur autonome de douleur.
Traitements de la douleur neuroplastique
Il n’existe pas de pilule magique contre la douleur neuroplastique. Mais on peut rééduquer le cerveau, comme on rééduque un muscle. L’approche repose sur la reprogrammation du système nerveux, petit à petit.
🧠 Reprogrammation du système nerveux
- Hypnose : elle aide à désactiver les circuits automatiques de douleur. Par exemple, en visualisant une zone corporelle « froide » ou « neutre », le cerveau diminue son alerte.
- Visualisation : s’imaginer marcher, se sentir légère, libre. C’est une gymnastique mentale qui modifie les connexions douloureuses.
- Pleine conscience : apprendre à observer les sensations sans y réagir. Cela freine l’emballement du système nerveux.
🧘♀️ Exercices doux et progressifs
- Mouvement conscient : yoga doux, méthode Feldenkrais, Qi Gong… Des pratiques qui ne forcent pas le corps, mais rééduquent la sécurité intérieure.
- Graded motor imagery : utilisée pour des douleurs complexes comme le SDRC. On commence par imaginer le mouvement, avant de le réaliser doucement.
💡 Le but : envoyer des signaux de sécurité au cerveau, pour qu’il cesse d’activer la douleur.
📚 Éducation thérapeutique
Comprendre que la douleur est une interprétation cérébrale et non un dommage corporel permet de diminuer la peur. Et moins il y a de peur, moins le cerveau déclenche l’alerte.
Exemples de ressources utiles :
- Livres de vulgarisation sur la douleur (Lorimer Moseley, David Butler)
- Programmes en ligne d’auto-éducation à la douleur
🌿 Thérapies du stress et des émotions
Le système nerveux autonome est souvent en mode alarme chez les personnes douloureuses chroniques. Agir sur le stress émotionnel est donc essentiel :
Thérapie polyvagale, IFS, sophrologie : autant d’outils pour ramener de la sécurité intérieure.
Cohérence cardiaque : simple, gratuite, très efficace sur le long terme. 5 minutes, 3 fois par jour.
EMDR : libère les traumatismes psychiques (accidents, violences, etc.) souvent à l’origine de douleurs persistantes.
3. Le SDRC : un exemple typique de douleur neuropathique et neuroplastique

Qu’est-ce que le SDRC ?
Le syndrome douloureux régional complexe (SDRC), aussi appelé algodystrophie (dans sa forme I), est une maladie rare, souvent mal comprise, qui associe douleur, troubles sensoriels, moteurs, vasomoteurs et trophiques. Il peut apparaître après un traumatisme banal (entorse, fracture, intervention chirurgicale) et évoluer vers une douleur persistante et invalidante.
Ce syndrome combine des mécanismes neuropathiques (atteinte nerveuse) et neuroplastiques (sensibilisation centrale).
Symptômes du SDRC
Les signes varient d’une personne à l’autre, mais certains symptômes sont fréquents :
- Douleurs intenses, souvent brûlantes, pulsatiles, parfois décrites comme des décharges électriques
- Allodynie : douleur déclenchée par un simple contact ou mouvement
- Troubles de la circulation : main ou pied froid, violacé, ou au contraire chaud et rouge
- Œdème et raideur articulaire
- Hypersudation, troubles de la pilosité, modification de la peau ou des ongles
- Difficultés à mobiliser le membre, parfois immobilisation complète
Ces douleurs sont souvent disproportionnées par rapport au traumatisme initial, ce qui peut conduire à une errance diagnostique ou à une remise en cause par l’entourage médical.
Mécanismes du SDRC : une douleur mixte
Le SDRC est un exemple clair de douleur mixte, combinant :
🔥 Mécanismes neuropathiques
- Une atteinte ou une hypersensibilité des fibres nerveuses périphériques
- Un nerf lésé peut envoyer des signaux douloureux anormaux
- Des douleurs électriques, brûlures, picotements sont typiques
🧠 Mécanismes neuroplastiques
- Une sensibilisation centrale s’installe rapidement : le cerveau interprète comme douloureux des signaux normalement inoffensifs
- Le système nerveux devient hypersensible : un effleurement, une légère pression ou même un changement de température peuvent être perçus comme insupportables
- Le stress et l’angoisse liés à la douleur entretiennent la boucle douleur-stress-douleur
Le SDRC est donc à la croisée des chemins entre le corps et le cerveau, entre atteinte physique et dysfonctionnement du système nerveux.
Traitements du SDRC
Le traitement du SDRC doit être précoce, global et individualisé. Il ne repose pas sur une seule solution, mais sur une approche pluridisciplinaire visant à calmer les nerfs périphériques, désensibiliser le cerveau, et restaurer la confiance corporelle.
💊 Traitements médicaux
- Antiépileptiques (gabapentine, prégabaline)
- Antidépresseurs à visée antalgique
- Anesthésiques locaux (patchs de lidocaïne)
- Parfois, des blocages nerveux (sympathiques) réalisés par des médecins spécialistes
🔄 Rééducation fonctionnelle
- Kinésithérapie douce, jamais forcée
- Mobilisation progressive pour éviter l’enraidissement
- Graded motor imagery : visualisation du mouvement, miroir, puis mouvements réels
🧠 Thérapies neurosensorielles
- Hypnose : pour moduler la perception de la douleur, calmer l’alerte interne
- Visualisation sensorielle : imaginer la zone calme, froide, normale
- Pleine conscience : détachement progressif de la douleur
🧘♀️ Gestion du stress et des émotions
- Cohérence cardiaque et respiration : pour sortir du mode survie
- Accompagnement psychologique ou thérapies du trauma si nécessaire (EMDR, IFS…)
- Groupes de parole ou soutien par des patients experts : pour se sentir comprise et moins seule
Le SDRC exige patience, accompagnement, confiance. La douleur peut s’atténuer, le cerveau peut se rééduquer.
4. Douleur neuropathique vs douleur neuroplastique : quelles différences ?
Ces deux types de douleurs chroniques sont souvent confondues, car elles ne répondent pas aux traitements classiques, sont invisibles à l’imagerie et provoquent une souffrance intense. Pourtant, leurs mécanismes sont différents, ce qui a des conséquences majeures sur la prise en charge.
Critères | Douleur neuropathique | Douleur neuroplastique |
---|---|---|
Origine | Lésion ou dysfonctionnement du système nerveux (central ou périphérique) | Dysrégulation des circuits de la douleur dans le cerveau |
Exemples fréquents | Neuropathie diabétique, zona, névralgie, SDRC | Fibromyalgie, SCI, douleurs pelviennes, fatigue chronique, migraines |
Symptômes typiques | Brûlures, décharges, allodynie, engourdissements | Douleurs diffuses, fatigue, hypersensibilité sensorielle, troubles cognitifs |
Lésions visibles ? | Parfois oui (IRM, électroneuromyogramme, lésions nerveuses) | Non : rien à l’imagerie, mais souffrance réelle |
Traitements privilégiés | Médicaments spécifiques (antiépileptiques, antidépresseurs), neurostimulation | Reprogrammation du système nerveux, gestion du stress, hypnose, éducation à la douleur |
Approche globale nécessaire | Oui | Oui |
⚠️ Dans de nombreux cas (comme le SDRC), les deux types de douleurs coexistent : une approche mixte est alors indispensable.

5. Conclusion : deux douleurs différentes, une même réalité
La douleur neuropathique et la douleur neuroplastique représentent deux grands mécanismes de la douleur chronique. L’une est liée à des lésions nerveuses, l’autre à une mémoire douloureuse ancrée dans le cerveau.
Mais toutes deux ont un point commun : elles demandent une approche globale, personnalisée, et souvent pluridisciplinaire.
🔸 Il ne s’agit pas d’imaginer la douleur, mais de la comprendre autrement
🔸 Il ne s’agit pas d’un défaut de volonté, mais d’un système nerveux qui s’emballe
🔸 Il ne s’agit pas d’une fatalité, mais d’un chemin de reprogrammation possible
Comprendre ces mécanismes, c’est déjà faire un pas vers la récupération. En tant que femme souffrant de douleur chronique, vous avez le droit d’être entendue, crue, accompagnée, et de retrouver une place active dans votre parcours de soin.
Mon accompagnement : hypnose, coaching, ateliers, masterclass et journées immersives
Je suis Corine Cliquet, ancienne infirmière, diplômée universitaire en Éducation Thérapeutique du Patient (DU ETP), coach en gestion de la douleur, praticienne en hypnose, et patiente ressource SDRC.
J’accompagne les femmes douloureuses chroniques à travers plusieurs approches adaptées à leurs besoins :
Je propose :
- Séances d’hypnose en visio pour apaiser le système nerveux et soulager la douleur.
- Coaching personnalisé pour accompagner la gestion quotidienne de la douleur.
- Ateliers de 2 heures pour apprendre des outils pratiques : visualisation, relaxation, gestion du stress.
- Masterclass en visio (3 heures) pour approfondir des thématiques liées à la douleur chronique.
- Journées immersives en petit groupe pour travailler la gestion de la douleur dans un cadre bienveillant.
Pour aller plus loin
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Références :
- Freeman, R., & Williams, D. A. (2016). Neuropathic Pain: Mechanisms, Management, and Treatment. British Journal of Anaesthesia, 116(3), 300-309. https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/26692256/
- Birklein, F., & Schmelz, M. (2015). The Neurobiology of Complex Regional Pain Syndrome. Neurologic Clinics, 33(3), 391-410.
- Clauw, D. J. (2015). Fibromyalgia: A Clinical Review. JAMA, 314(15), 1642-1653.
- Merskey, H., & Bogduk, N. (2013). Classification of Chronic Pain: Descriptions of Chronic Pain Syndromes and Definitions of Pain Terms (3rd ed.). IASP Press.
- O’Neill, S. J., Salter, A. J., & Martin, P. T. (2017). Neuropathic Pain: Pathophysiology and Pharmacology. Pharmacology Research & Perspectives, 5(5), e00309.
Ces références sont issues de publications académiques reconnues et peuvent être utilisées pour approfondir le sujet de la douleur neuropathique et la douleur neuroplastique. Merci de me signaler si vous avez d’autres demandes.
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